Le mental, arme secrète de la performance en endurance

Dans une course, surtout sur longue distance, votre mental peut faire la différence autant que vos jambes. Qui n’a jamais abandonné un entraînement ou une compétition alors que physiquement le carburant n’était pas totalement épuisé ? A contrario, on voit des coureurs “surmonter le mur” et finir en trombe grâce à une force mentale hors du commun. La préparation mentale, longtemps négligée en course à pied, est désormais reconnue comme un facteur clé de la performance. « Pouvoir exploiter 100% de son potentiel physique au moment crucial dépend en partie du mental », rappelle la psychologue du sport Géraldine H., soulignant que les meilleurs athlètes se distinguent souvent par leur capacité à mobiliser toutes leurs ressources le jour J. Alors, comment renforcer ce muscle invisible qu’est le mental ? Voici des pistes concrètes pour travailler l’endurance mentale, la motivation et la gestion de l’effort, que ce soit pour un 10 km ou un ultra-trail.

1. Fixez-vous des objectifs clairs et motivants

La motivation, c’est le moteur du mental. Courir sans but précis peut être plaisant un temps, mais pour traverser les moments difficiles, rien de tel qu’un objectif bien défini. Que ce soit finir son premier marathon, améliorer son record sur 5 km ou perdre 5 kg en courant, notez votre objectif et rappelez-le-vous régulièrement. Des objectifs intermédiaires (par exemple, d’abord passer sous les 1h au 10 km, puis viser 55 min) permettent de garder de la motivation à court terme. Veillez à ce que votre but soit réaliste et personnellement significatif. Si vous courez uniquement pour faire plaisir à quelqu’un d’autre ou suivre une mode, le mental flanchera plus vite. En revanche, un objectif qui vous tient à cœur vous donnera de l’énergie même quand les jambes seront lourdes.

Astuce : en période de baisse de moral, relisez un carnet d’entraînement où vous avez écrit pourquoi vous courez. Visualisez votre objectif atteint (par exemple, vous franchissant la ligne d’arrivée du marathon, fier(e) et heureux(se)). Cette visualisation positive entretient la flamme et augmente la confiance en soi. De même, se remémorer les entraînements réussis, les progrès effectués, aide à se convaincre qu’on est sur la bonne voie.

2. Entraînez votre capacité à tolérer l’inconfort

Courir, surtout vite ou longtemps, n’est pas toujours agréable : ça pique dans les jambes, ça brûle dans les poumons, le mental crie “stop” avant même que le corps soit réellement à sec. Apprendre à supporter – et même à apprivoiser – cette sensation d’effort est crucial. Les sportifs parlent de développer le mental toughness (dureté mentale), cette capacité à ne pas céder quand le cerveau vous suggère d’arrêter. Samuele Marcora, un expert en psychologie de l’endurance, avance que ce qui nous fait ralentir ou arrêter est avant tout une décision du cerveau, bien avant que le corps soit réellement incapable de continuer. En d’autres termes, on a souvent plus d’énergie en réserve qu’on ne le croit, mais le cerveau nous protège en envoyant des signaux d’abandon (fatigue, douleur) par anticipation.

Comment travailler ça ? D’une part, par l’entraînement physique lui-même : plus on s’entraîne, plus le corps repousse ses limites, et plus le mental constate qu’on peut aller loin avant de “casser”. D’autre part, par des exercices mentaux durant l’entraînement. Par exemple :

  • Sur vos séances dures, au lieu de redouter la douleur, accueillez-la comme un signe que vous êtes en train de progresser. Dites-vous “ok, ça chauffe, c’est que je travaille bien, je peux tenir encore un peu”.
  • Apprenez à segmenter l’effort : ne pensez pas “encore 10 km à souffrir”, mais “allez, tiens jusqu’au prochain ravito / prochain lampadaire / prochaine minute, ensuite on verra”. Fragmenter la difficulté la rend plus digeste.
  • Pratiquez le self-talk positif : remplacez les pensées du type “je n’y arriverai pas, c’est trop dur” par des mantras ou phrases encourageantes : “un pas après l’autre”, “je suis fort/forte”, “j’ai déjà réussi des séances dures, je peux le refaire”, etc. Ces petites phrases peuvent paraître bêtes, mais répétées mentalement, elles occupent le cerveau et chassent les idées négatives.
  • Entraînez-vous aussi dans des conditions difficiles de temps en temps (pluie, froid, vent, parcours monotone) pour habituer votre mental à ne pas fuir l’inconfort. Attention, il ne s’agit pas de se dégoûter, mais de se prouver que même un jour “sans”, on peut faire au moins quelque chose. Ainsi, le jour où, en compétition, il pleut des cordes, vous pourrez vous dire “j’ai déjà couru sous la pluie en entraînement, je sais que je peux gérer ça”.

Un concept utile est de considérer la douleur de l’effort comme un signal, pas comme un stop. Apprendre à distinguer la douleur “normale” de l’effort (muscles qui brûlent, souffle court mais maîtrisé) de la douleur “anormale” (aiguë, articulaire, signe de blessure). La première, vous pouvez la côtoyer et l’endurer, voire la dépasser légèrement à l’entraînement pour élargir votre zone de confort. La seconde, il faut l’écouter et s’arrêter. Cette nuance s’apprend avec l’expérience.

3. Restez dans l’instant présent

L’un des défis mentaux du coureur de fond est de ne pas se laisser submerger par l’ampleur de la tâche. Penser dès le 5e km “oh là là, encore 37 km à faire” (pour un marathon) peut saper le moral. Au lieu de cela, ramenez votre attention à l’instant présent. Concentrez-vous sur votre foulée, votre respiration, le paysage immédiat, le coureur juste devant… C’est une forme de mindfulness (pleine conscience) appliquée à la course. En se focalisant sur des éléments concrets et contrôlables (ex : cadence de pas, relâcher les épaules, vérifier sa posture), on évite de ruminer des pensées négatives ou d’appréhension pour la suite. De plus, cela donne le sentiment de maîtrise : vous ne contrôlez pas le fait qu’il reste X kilomètres, mais vous contrôlez votre geste ici et maintenant.

Les meilleurs marathoniens ont cette faculté de se mettre dans une bulle. Mo Farah dit se répéter “encore un tour, encore un tour” sur 10 000 m, plutôt que de penser à l’ensemble de la course. En trail, les ultra-runners se focalisent sur “aller jusqu’au prochain ravitaillement” sans penser au col d’après. Adoptez cette stratégie : coupez votre épreuve en tronçons mentaux et cochez-les un à un, en restant concentré sur chacun.

4. Préparez-vous aux scénarios difficiles

La préparation mentale, c’est aussi anticiper les difficultés et planifier comment les surmonter. Avant une course importante, prenez le temps de visualiser non seulement votre succès (comme conseillé plus haut), mais aussi les moments durs potentiels : “Et si à mi-course j’ai un point de côté / j’ai une baisse de morale / il fait plus chaud que prévu / un concurrent me double… que ferai-je ?”. En ayant déjà réfléchi à ces éventualités, vous ne serez pas pris de court et vous aurez un plan. Par exemple : “Si j’ai un coup de mou au 30e km, je me rappellerai de la sortie de 32 km que j’ai réussie à l’entraînement, je prendrai un gel énergétique et j’essaierai de m’accrocher à un autre coureur pour me relancer.” Ou “Si la chaleur me gêne, je ralentirai un peu le rythme dès le début, je m’aspergerai à chaque ravitaillement et je me répéterai que tout le monde souffre de la chaleur, pas que moi.”.

Cette préparation aux imprévus augmente la confiance en soi. On se sent mentalement armé pour faire face. C’est comme un plan d’urgence : on préfère ne pas l’utiliser, mais savoir qu’il existe rassure. D’ailleurs, intégrer dans sa visualisation mentale des images de soi en train de lutter puis de dépasser la difficulté est très puissant. Visualisez-vous par exemple dans le dernier kilo, fatigué mais maintenant l’allure, vous disant “allez, plus que 5 minutes à tenir, je peux endurer ça” et passant la ligne épuisé mais fier. Cela “entraîne” votre cerveau à accepter l’idée que la fatigue intense ne vous fera pas abandonner.

5. Faites de votre mental un allié, pas un ennemi

Beaucoup de coureurs sont trop durs avec eux-mêmes mentalement. Ils transforment leur dialogue intérieur en critique permanente : “Tu aurais dû aller plus vite, tu es nul de ralentir, les autres sont plus forts que toi”. Ce saboteur interne mine la confiance et érode la motivation. Apprenez au contraire à faire de votre esprit un coach bienveillant. Cela ne veut pas dire se trouver des excuses, mais s’encourager et s’auto-consolider. Après une séance ratée, au lieu de vous flageller, analysez calmement : pourquoi ça n’a pas marché aujourd’hui ? Fatigue accumulée ? Mauvaise gestion du rythme ? Cela arrive. Prenez-en note pour faire mieux, mais ne concluez pas que vous êtes incapable.

Le jour de la course, si vous n’atteignez pas l’allure visée, le mental doit s’ajuster sans tout abandonner : “Bon, le chrono escompté ne sera peut-être pas là, mais je peux quand même donner le meilleur de moi-même, je finirai avec honneur.” Souvent, en sauvant les meubles mentalement, on performe mieux que si on avait tout lâché. Un coureur qui se décourage perd du temps, alors que celui qui reste positif limite la casse.

Rappelez-vous que le mental se muscle comme le corps. Plus vous vous entraînez dans des conditions variées, plus vous participez à des épreuves et vivez d’expériences, plus vous accumulez des “références” qui renforceront votre psychologie. La première fois que vous faites face au fameux “mur du marathon”, c’est l’inconnu et c’est dur. La deuxième fois, vous savez à quoi vous attendre, vous savez que vous en êtes capable, et cela va déjà mieux.

Enfin, n’hésitez pas à utiliser des techniques de préparation mentale classiques : relaxation, méditation, respiration contrôlée (utile pour évacuer le stress pré-course sur la ligne de départ), voire hypnose ou sophrologie pour ceux qui veulent approfondir. Un sportif serein et confiant aura de bien meilleurs résultats qu’un athlète stressé ou auto-saboté par l’angoisse.

En résumé, le mental en course à pied est souvent ce qui différencie le jour J deux athlètes pourtant d’un niveau physique proche. “La capacité à mobiliser son potentiel maximal au moment crucial est en partie une affaire de tête”: il faut chercher en soi la volonté de continuer quand la fatigue crie stop. En travaillant vos objectifs, votre discours intérieur, vos stratégies d’adaptation à la souffrance et en restant présent à l’instant de course, vous allez acquérir une force mentale à la hauteur de vos ambitions. Et souvenez-vous, comme le dit un adage : “Courir un marathon, c’est 90% mental – et les 10% restants, c’est dans la tête aussi.” Cette boutade contient une part de vérité : nous avons en nous des réserves insoupçonnées, qu’une préparation mentale adéquate peut révéler. Alors, entraînez votre esprit comme vous entraînez vos jambes, et vous deviendrez un coureur complet, prêt à relever tous les défis route et trail, du premier au dernier kilomètre !

Sources :